Les belles histoires de French Cancan...

Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite ou volontaire.

18/10/2009

#8. L'instinct grégaire en jungle urbaine


Le métro parisien est une jungle urbaine souterraine où les nerfs sont mis à rude épreuve.


Forte d'une expérience de trente ans de pratique de cet environnement industriel dans lequel grouille une faune diversifiée, je peux vous dire que pour un bon parisien, il est inconcevable de ne pas utiliser ce moyen de transport pratique, économique et plus ou moins écologique. Que ce soit pour se rendre au travail, à l'école, se promener, aller faire des courses, sortir, ou rentrer chez soi, le métro parisien favorise le retour à des comportements agressifs primaires et à une certaine violation de la liberté individuelle.

L'instinct purement grégaire refait surface ; aux heures de pointe, des centaines de personnes sont parquées dans des conditions proches de celles des poulets en batterie. Aux heures creuses, les gens ont tendance à se regrouper en troupeaux de bovins nourris aux farines animales.

Quand vous prenez le métro le matin, disons à 9h, les épreuves sont plutôt physiques: les gestes matinaux sont automatiques, le cerveau est encore en mode nuit-dans-son-lit-douillet.
Le soir, disons à 18h, il faut s'attendre à devoir affronter les mêmes épreuves que le matin, mais le mental est bien plus que le physique.

Pour bien aborder cette jungle urbaine, il faut donc être prêt physiquement et mentalement : optez plutôt pour une tenue de baroudeur (eau, sac bandoulière avec pochette extérieure spéciale "pass navigo", baskets, lunettes, boussole, plan de métro) et équipez-vous d'une armure anti-stress : ipod, livre, console de jeu, portable, etc. Mais surtout restez sur vos gardes et anticiper le contrôle des agents RATP et leurs barrages volants.

La parcours du combattant commence à l'approche de la station de métro. Dans la rue, les gens sont pressés, se bousculent, vont dans tous les sens pour se frayer un passage vers la bouche de métro dans laquelle ils s'engouffrent à un rythme de course effrénée contre la montre, frôlant la chute à chaque instant.

"Prendre le métro" pour aller d'un point A à un point B consiste à passer une série d'épreuves truffées de pièges en milieu hostile...


L'épreuve du portique


Arrivé aux portiques, le temps est de plus en plus compté. Vous n'avez pas droit à l'erreur, le pass Navigo ou le ticket doit être prêt à être dégainé. Le trafic se doit d'être fluide, surtout le matin, quand tout le monde s'est levé du pied gauche et que tout le monde "travaille moi madame". C'est une fourmilière désorganisée où chacun suit son propre ordre d'exécution de gestes automatiques dans sa course contre la montre pour accomplir leur mission: ne pas rater son métro.
Préparez-vous à subir des violences physiques telles que se faire bousculer, se faire marcher sur les pieds, être coincé entre le tourniquet et la file de gens derrière vous qui essaient de forcer le passage en poussant chaque personne qui se trouve devant et tenter ainsi de provoquer un effet domino pour vous éjecter de leur chemin vers le quai.


L'épreuve du quai


Tels des loups affamés, les gens se regroupent en une meute guettant leur proie: l'arrivée du métro. Les yeux sont fixés sur le panneau qui annonce la prochaine rame à assaillir. Lorsque les compteur passe à moins de 2 minutes, un mouvement de foule se produit en direction du bord du quai.
Cette épreuve se déroule en deux étapes : la première est de passer au travers de ces meutes de loups à l'affût du moindre mouvement prêts à bondir, et d'anticiper l'assaut du métro qui approche du quai. La deuxième est d'adopter une stratégie de positionnement pour éviter l'attaque soudaine d'un nuage de chauves-souris remis en liberté à l'ouverture des portes des wagons.
Si vous échouez cette épreuve, vous perdez votre mission qui est quand même de ne pas rater son métro, et vous risquez d'avoir des traces physiques du passage des chauves-souris assoiffées d'espace et de vengeance contre tout le monde.
Votre mission est sauvegardée dès que vous franchissez la porte du métro et que vous êtes en voiture.

L'épreuve du trajet à bord


C'est une épreuve à trois options:

1. L'option assis (niveau facile)
Cette option requiert d'avoir préalablement franchi avec succès les obstacles éparpillés sur le chemin vers une assise. Il faut être vigilant aux vautours qui encerclent la zone des places assises, il faut savoir les devancer et les prendre par surprise. C'est un jeu de ruse, le plus futé et réactif s'assurera un trajet moins éprouvant.
Cependant c'est une option à pièges : femmes enceintes/personnes du 3ème âge/invalides peuvent à tout moment vous faucher la victoire au saut d'obstacles.

2. L'option strapontin (niveau moyen)
Vous êtes dans la zone des places debout.
L'instinct grégaire domine. Le troupeau reprend ses parts de pré en se rapprochant de la brebis égarée. Il n'est pas imposible que vous vous retrouviez à quelques centimètres de la croupe d'un des ovins. C'est en général une tactique adverse pour vous forcer à vous lever, à les rejoindre, et à partager votre espace vital.

3. L'option debout (niveau difficile)
C'est un grand concours d'immobilité, de raideur et de self-control. On a sa place debout, son bout de barre pour se tenir et il faut se battre pour garder son terrain conquis, jouer des coudes, contrer les envois frontaux d'haleine fétide, esquiver les mains baladeuses, supporter les écrasements de pied et la pollution sonore (conversations entre usagers ou téléphoniques), s'attendre à être exposé à des parasites du grégarisme qui viennent vous infester sous prétexte de métro bondé, s'installer sur votre épaule/votre sac/votre bras tendu en pesant bien de tout leur poids d'âne mort.
Un conseil : toujours avoir un oeil sur les mouvements des gens assis et du groupe de vautours dont la concentration peut faillir, pour éventuellement finir cette épreuve avec une petite pause avant la sortie.

L'épreuve de la sortie


Un seul but : sortir. Vous avez accompli votre mission "prendre le métro", à présent ce qui compte, c'est la sortie de terre vers l'air et la lumière.

Sortir du métro. Se lever si on est assis, et se diriger vers les portes. Bien sûr la meilleure place est devant la porte, le poing sur la manette, positionné bien au milieu. Les portes s'ouvrent, derrière, le bétail qui pousse pour avancer vers la sortie commune et devant, la meute de loups qui n'a qu'une chose en tête, monter dans le métro quoiqu'il arrive.
Enfin, rejoindre les mouvements de la fourmilière et traverser les différents courants pour atteindre la sortie.

L'ultime obstacle à franchir :

le portillon automatique/le tourniquet qui vous sépare de votre but : l'air libre.

Une dernière étape forte en émotions exploits sportifs... Il faut apprivoiser la machine mécanique aux mâchoires pneumatiques et à la respiration saccadée et menaçante. Il faut dompter la scie métallique tournante et peu accueillante.
C'est le sprint final vers la ligne d'arrivée. Il faut mettre tout le paquet et suivre son instinct de survie et se laisser guider par la lumière.

Une fois sorti, la mission est accomplie,



la récompense, c'est Paris.

CC French Cancan 2009

1 commentaire:

  1. Ouais, je suis bien contente de ne plus avoir à faire au métro parisien. Sans blagues, c'est pas humain cette affaire.

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