Les belles histoires de French Cancan...

Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite ou volontaire.

03/01/2011

#23. Faire la Manche, C'est tout un Métier

Quand on habite une grande ville, en l'occurrence Paris, on a tendance à croiser les mêmes personnes aux mêmes heures dans les mêmes quartiers et sur les mêmes lignes de métro.
Ce sont des anonymes qui font partie de notre paysage quotidien.



Les personnes que l'on croise le plus souvent sont celles que l'on est obligé de remarquer par leurs signes particuliers : il y a le cadre pressé qui ne céderait sa place dans le métro pour rien au monde, il y a la secrétaire peroxydée qui a forcé sur le parfum vanillé signé Yves Rocher, il y a la mémé déjantée qui promène Pépette dans une poussette, il y a le Gégé imbibé qui a toujours le même imper usé et il y a le SDF qui fait la manche dans la rue ou dans les rames du métro.

Les SDF sont malheureusement les personnes les plus ignorées car leur condition effraie terriblement le bon travailleur qui a un toit, une famille et un compte en banque plus ou moins rempli. Inconsciemment, la vue des SDF agit comme une épée de Damoclès : n'importe qui peut se retrouver dans cette situation précaire ; après tout, c'est la réalité de notre société.


Certains SDF sont obligés d'errer toute la journée voire toute la nuit. Il y a ceux qui cherchent à se faire oublier, des autres et d'eux-mêmes, et il y a ceux qui cherchent à se faire aider. Ce sont de ces derniers que j'aimerais parler, et plus particulièrement de ceux qui semblent abuser de la générosité et de l'empathie des gens qui ne les ignorent pas tant que ça.

De toutes les personnes dans le besoin que j'ai pu croiser, certaines ont, semble-t-il, fait de la manche un métier. Force est de constater que ces "professionnels de la mendicité" se foutent de la gueule du peuple pour lui extorquer quelques euros et je tiens à dénoncer ces pratiques qui consistent à toucher le cœur du passant pour lui faire ouvrir son porte-monnaie.

Dans le métro

Ah! Le métro parisien! Haut lieu de joie et de bien-être, c'est l'entreprise la plus rentable pour le mendiant carriériste. Il faut avoir une voix qui porte et un bon discours accrocheur, chronométrer son temps de passage dans le wagon sachant que la prochaine station est à 1mn20s et qu'il faut passer dans les rangs pendant ce laps de temps. Cela n'est pas donné à tout le monde et la concurrence est rude ; d'une station à une autre, le mendiant peut se faire coiffer au poteau par un autre plus talentueux et persuasif.

On y trouve différents profils aux CV intrigants, par exemple :

- Le musicien. Non sponsorisé par la RATP car refoulé au casting, il tente d'amadouer son cher public qui n'a rien demandé en faisant crisser son violon sur un vague air d'Édith Piaf. Quelques mois infructueux plus tard, on le retrouve dans une toute autre situation que celle évoquée lors de son premier essai lyrique. Il a laissé tomber le violon et est maintenant un tout jeune veuf éploré (voir plus bas).

- Le religieux. Il invoque Dieu et la conscience chrétienne du voyageur en lui rappelant qu'il est de son devoir de donner à plus démuni que soi. Ce discours semble bien fonctionner car j'ai constaté que les gens donnaient bien plus volontiers à un homme de foi qui ira très certainement s'occuper de son foie une fois la journée de travail ferroviaire achevée.

- La victime d'agression. Peu importe le nombre de mois écoulés et de rames de métro visitées depuis son agression qui s'est passée la veille, il lui manquera toujours 13 euros pour se payer un billet de retour dans sa campagne natale.

- Le veuf/La veuve avec enfants à charge. Bien plus souvent des femmes que des hommes d'ailleurs. Fraîchement endeuillée, son discours est son histoire. Son mari vient de disparaître et elle reste sans le sou avec 5 bouches à nourrir. Le lendemain, on la recroise et un enfant a soudainement quitté la famille. Ou bien les enfants répondent tous à l'appel, mais le petit de 5 ans a soudainement rajeuni de 3 ans. Et la mère semble ménopausée depuis belle lurette. Mais comme le religieux, la veuve émeut et gagne le jackpot.

Dans la rue

L'imposture dans la rue est bien plus contraignante que dans le métro. En effet, le métro est un endroit abrité exigeant une mobilité à toute épreuve. De plus, il est bien plus facile à un imposteur d'imposer son discours aux voyageurs enfermés dans un train que dans la rue qui est constamment en mouvement et qui nécessite au mendiant de rester dans un état statique et muet, quelques soient les conditions météorologiques. Ici, tout se joue sur l'apparence et il faut que le passant pressé remarque la présence du malheureux au destin brisé pour lui venir en aide.

Cependant, bien que la rue ne représente pas le meilleur endroit pour tenter de soudoyer le piéton, j'ai quand même démasqué des nécessiteux menteurs qui usent de subterfuges d'extorsion de fonds publics :

- La technique du petit animal de compagnie : les gens qui ont un cœur aiment logiquement les animaux. Et c'est en exploitant des animaux que certains se remplissent les poches. Une femme a récemment établi domicile à un coin de rue très fréquentée du côté de la gare Saint Lazare. Elle est installée sur sa valise et emmitouflée dans trois couches de lainages pour se protéger du froid. Elle tient dans ses bras son petit compagnon, un chat tout noir qui a l'air aussi malheureux qu'elle. Elle n'a pas d'écriteau mais elle semble réellement dans le besoin. On imagine qu'elle s'est fait expulser et qu'elle a avec elle tout ce qu'elle possède : cette petite valise et son chat. Une petite coupelle est posée au sol et quelques pièces ont été déposées par des passants généreux.
Le lendemain, je croise de nouveau cette pauvre femme et son chat. Mais quelque chose me semble différent de la veille. Je ne sais pas trop mais ça me tracasse. Je passe mon chemin quand je réalise que le chat noir a été passé à l'eau de javel. Il est devenu blanc comme neige! Ben ça alors! Et depuis, elle continue son petit échange discret de chats. Parfois, je revois le chat noir, puis le chat blanc et ainsi de suite. Bizarre pour une personne à la rue.
On notera que cette technique de troc subliminal est aussi utilisée avec des enfants...

- La technique du grand âge : voir quelqu'un dans le besoin et sans domicile est toujours difficile à accepter et d'autant plus quand cette personne est âgée. Toujours dans ce même quartier qui grouille de monde, j'avais auparavant remarqué une vieille dame, propre sur elle et pas franchement l'air accablé par la misère, faire la manche debout contre un mur et tenant dans ses mains un écriteau sur lequel elle avait marqué : "J'ai 77 ans et je suis à la rue. Aidez-moi".
Puis le lendemain, même dame âgée, dans des vêtements différents de la veille, même endroit, avec un écriteau différent de la veille. Cette fois il était écrit : "J'ai 84 ans et je suis à la rue. Aidez-moi". Vas-y la mamie, il ne lui manque plus qu'un chat et un chien drogués et installés dans un mini lit et la retraite est assurée! Non seulement elle a cru que les gens ne passaient jamais dans la même rue mais en plus elle n'était pas souvent à son poste. C'était seulement entre 10h et 13h qu'on pouvait la voir... Peut-être une ancienne employée de La Poste, qui sait?


Quand on ne voit plus ces personnes qu'on avait pris l'habitude de croiser, notre paysage est bouleversé, nos habitudes sont chamboulées et notre cœur espère que ces personnes, fussent-elles réellement dans le besoin, ont finalement trouvé le moyen de s'en sortir...

Mais comment différencier les personnes honnêtes dans leur misère des imposteurs qui profitent de la bonté des gens pour arrondir leurs fins de mois difficiles? Et comment savoir si le sou donné sera dépensé comme on l'aurait imaginé (pour payer la chambre d'hôtel, offrir un repas à leur enfant, nourrir Pépette ou Pompon, acheter leur billet de retour vers leur famille...)?

Je ne sais pas si la mendicité peut résoudre les problèmes de pauvreté. Par contre, si l'argent offert au mendiant était plutôt donné à des associations qui s'occupent d'aider financièrement, moralement et socialement les personnes dans le besoin, il y aurait peut-être un peu moins de ces imposteurs dans la rue et dans le métro. À vot' bon cœur!

Je vous souhaite à toutes et tous une très bonne année 2011 et que jamais vous ne connaissiez la misère.
CC French Cancan 2011

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